L'eurêka de la peinture magique
dans les formes des nuages
dans les veines du marbre des cheminées et des commodes
dans les racines tordues qui font penser à des gnomes, à des sorcières
dans les taches d’encre projetée sur un buvard
dans les images devinettes de mes magazines illustrés
dans les ombres chinoises projetée sur les murs par la lueur de la lampe Pigeon…
J’aimais aussi beaucoup écouter les histoires que me racontait mon grand-père.
Ma mère peignait des aquarelles et elle avait même entrepris de réaliser pour moi un alphabet illustré de dessins peints.
Mais ce n’est que durant mon adolescence que je commençais à peindre, en m’inscrivant à une école par correspondance. Parmi les techniques proposées figuraient la gouache et l’aquarelle. Je peignais donc toutes sortes de choses, des natures mortes , des fleurs, des paysages… Dans les paysages, j’affectionnais tout particulièrement la peinture des nuages et les reflets d’eau. La peinture à la gouache donnait des résultats de peinture ‘bouchée’, c’est à dire opaque, non transparente.
Au fil de mon évolution intérieure le processus créateur s’inversa ; mes peintures devinrent de plus en plus lumineuses. Je délaissais définitivement la gouache pour ne plus peindre qu’à l’aquarelle.
Ce fut d’abord dans la peinture des nuages que je laissais surgir des images étranges.
Ainsi naquit dans mes œuvres la peinture aléatoire.
L’école par correspondance était excellente pour apprendre les techniques picturales mais il ne nous était fourni aucune indication sur les peintres sauf à titre d’exemple. Jamais aucun peintre surréaliste ne fut choisi parmi eux.
Alors que le surréalisme était déjà reconnu comme mouvement artistique dans tous les domaines, les livres scolaires de littérature, d’histoire s’arrêtaient à la fin du 19ème siècle. La Deuxième Guerre mondiale avait certainement joué un rôle dans ce manque d’information culturelle. De plus, mon milieu familial ne semble pas avoir eu connaissance de ce mouvement, alors que la mode existentialiste n’y était pas inconnue ; grâce aux auditions de disques, Prévert enchantait notre bande d’adolescents.
Le passage du figuratif à l’aléatoire se fit donc pour moi sans référence culturelle. C’est mon attirance pour le monde de l’imaginaire qui me fit m’orienter vers l’aquarelle ‘mouillée’. L’effet de surprise que cette technique provoquait m’incita à écrire quelques bribes de poèmes ou parfois uniquement des titres poétiques. Je donnais la plupart de ces aquarelles aléatoires à mes amis(es) ; cela me servait d’illustrations de cartes de vœux pour la nouvelle année.
Ce n’est que vers la fin des années 1970, que des amis québécois commencèrent à m’initier à la peinture surréaliste en portant un regard enthousiaste et ému sur mes aquarelles aléatoires.